dimanche 3 novembre 2013

La pensée politique arabe de Mohamed Abed Jabri (suite 2)

La pensée politique arabe
 de Mohamed Abed Jabri (suite 2)

 Une lecture critique Nadhir Jahel. traduction de la langue arabe.

Primo : « la tribu » de Jabri et le clanisme(asabiya) khaldounien.
Quelle relation lie « la tribu » de Jabri et le clanisme en tant que fondement de la doctrine khaldounienne :
« Par tribu, on entend le rôle qu’attribuent les anthropologues occidentaux à la « parenté » dans l’étude des sociétés « primitives » et les sociétés précapitalistes, et d’une façon générale ce qu’Ibn Khaldoun qualifie de « clanisme » (asabiya) dans l’étude « des caractéristiques de la civilisation » dans l’expérience « arabo-islamique », jusqu’à son époque, et que l’on désigne de nos jours de « clanisme », lorsqu’on parle d’une forme de gouvernement ou d’une pratique  politique ou sociale qui se base «  sur les proches » très proches et éloignés, au lieu de compter sur les compétences et l’expérience, qui jouissent de la confiance des gens et de leur respect ou qui ont une certaine représentativité démocratique libre.
L’on ne prend pas en compte uniquement les proches consanguins réels ou imaginaires, mais également les proches, dans le sens de portée affective de clan, comme d’appartenance à une ville, une région, une secte ou un parti politique, lorsque cette appartenance distingue uniquement « le moi » de « l’autre » dans le domaine politique.
Comment peut-on croire que le degré de parenté ait joué dans toutes « les sociétés primitives », et les sociétés précapitalistes (l’on ne sait pourquoi Jabri mettrait cette dernière entre parenthèses. Est-ce  que ce concept est ici plus précis que les sociétés primitives ?!). Ce que l’appartenance a joué dans l’expérience islamique, jusqu’à son époque, ou ce qu’on désigne de nos jours « clanisme », (est-ce que l’on ne peut concevoir ce qu’il est précisément) son rôle….
Comment peut-on croire qu’un chercheur qui prétend libérer l’esprit politique arabe des « barrières du savoir idéologique » ne s’empêcherait-il pas de placer tout ce qu’a connu l’histoire de l’humanité de formes sociales  « depuis « le déluge » ou avant dans une même classification : les sociétés précapitalistes. Que signifie cette expression, dans ce cas, si ce n’est « l’autre » le non Européen et quelle est la conclusion que souhaiterait tirer Jabri de tout celà, autre que la « déification» de cet Européen dont il nous invite, à la fin de son ouvrage, à appartenir à sa démocratie, annonçant l’échec de l’expérience islamique et le déclin historique de l’islam, comme s’il appartenait à l’individu de changer son appartenance, comme il changerait sa politique ou comme si l’occident « saisirait » une pareille confidence de l’infériorité, qui justifierait la revendication d’intellectuels comme Jabri de leur appartenance à sa civilisation.
L’on est en droit de nous interroger, comment la parenté serait-elle une donnée anthropologique convenue, dans les sociétés primitives ? Quand-est-ce que les anthropologues ont-ils été unanimes pour affirmer que la tribu constitue le noyau de la paternité originaire et dominante dans les sociétés primitives ? Et, puis le différend profond, qui perdure jusqu’à présent, sur le degré d’authenticité prononcé entre la tribu ou le noyau familial, et malgré l’essai de sa solution par Strauss à travers l’atome du rapprochement, ne démontre-t-il pas la querelle qui subsiste entre le degré de parenté biologique et le rapprochement basé sur les échanges qui repose sur l’équilibre ?... L’on reviendra sur cette question, dans notre présentation des transformations qui sont advenues sur les normes du rapprochement sous l’éclairage qui se propage de la logique de l’unicité islamique.
Par ailleurs, est-il vrai, que ces savants sont unanimes pour considérer que le recours aux compétences, est en contradiction constante du recours aux proches et que les tribus n’ont jamais connu la libre représentativité ? Jabri n’a-t-il pas lu les écrits de Pierre Clastres et de Michel Gaucher, nonobstant son degré de véracité ?. La vérité c’est que Jabri nous force à ignorer tout dialogue réel avec la pensée occidentale ou « orientale » qui nous permet par son truchement d’apprendre, car les notions ici restent floues.. Tous les chats pendant la nuit sont noirs et les eaux basses, continuer à avancer en pataugeant dans la boue est pénible mais doit-on poursuivre notre voie ?!.
Nous sommes devant un concept élastique : « la tribu » (entre guillemets), un concept qu’on peut charger de n’importe quelle portée, que peut enjamber Jabri pour naviguer à travers les étapes de l’histoire arabe : l’époque préislamique s’est caractérisée par la prédominance « de la tribu » de même que la Oumma, pendant la propagation du message de l’islam, malgré la force « de la croyance » elle ne s’est formée qu’en tant que cadre qui unit les tribus même si ce cadre la dépasse de quel détail ? on l’ignore)
Sans compter les autres étapes et le nouveau clanisme actuel conséquence « du retour du refoulé » est très beau, comme si le refoulé ne comprenait pas dans la conception freudienne, les penchants intériorisés du subconscient le plus proche de la nature ou, du moins, ne serait pas conservé dans la partie du subconscient ou il s’y confond avec ce qui le rapprocherait de l’instinct.
 De ce fait il est nécessaire  à l’homme de dépenser une énergie psychologique énorme pour la refouler…Est-ce ceci ce qu’entend Jabri : à savoir que « le clanisme » et le « fanatisme religieux » ne peuvent être retirés de la nature de l’Arabe ? le musulman ?...Est-ce là une proposition pour se départir de son identité ou de prêter allégeance….Pour qui ? ces idées n’amenuisent-elles pas le niveau de la concertation et n'appauvrirait-elle pas l’existence même de l’homme interlocuteur ?... Doit-on poursuivre le discours ?
Nous avons espéré que l’ouvrage soit une occasion propice pour une nouvelle lecture de l’exégèse d’Ibn Khaldoun et de l’histoire de l’Islam qui dévoilerait et éclairerait. Et nous voilà devant ce mauvais texte qui nous fait tomber et nous mèner à discuter la forme et la signification des concepts…Mais essayons, malgré cela, et avant de passer directement à Ibn Khaldoun, en vue de critiquer le concept de « clanisme »,  d’utiliser, une dernière fois, le miroir de Jabri, à travers le suivi de ses idées « khaldouniennes », qu’on suppose soutenable et  claire. C'est-à-dire de nous confronter à l’homme sur ses points de force, c'est-à-dire de passer au lien avant de nous tenir aux définitions rapides contenues dans « la pensée politique arabe » et son livre « sectarisme et Etat » dans lequel nous retrouvons une analyse approfondie du concept de sectarisme. Que propose Jabri ici ? ci-après une partie de ce qu’il affirme :
« la base du tribalisme, c’est la disposition naturelle, théorique, qui pousse l’individu à soutenir son proche consanguin, de le  défendre  et le  soutenir et cette tendance est naturelle dans le genre humain depuis sa création ».
« Ce que Dieu a placé dans le cœur de sa créature de compassion et d’engagement, pour défendre leurs congénitaires, et leurs proches, sont  ancrées dans la nature humaine, et permettent  la solidarité et l'identification, ce qui amplifie leur crainte par l’ennemi » .
La question se trouve ici une question de « caractère » ou « de nature humaine » et le clanisme(asabiya) sous cette considération est une manifestation sociale naturelle, dans l'acception qu'elle accompagne la sociabilité humaine liée à la « nature » à l’objet, elle est ainsi une des manifestations identitaires de la vie en société »
Il est clair que les définitions khaldouniennes, du clanisme, dont se suffit ici Jabri, ne dépassent guère des définitions descriptives, introductives qu’Ibn Khaldoun essaye, à travers celles-ci, de démontrer que le clanisme est une donnée naturelle, en vue de la rendre un principe de la sociabilité et de la politique, qu’il utilise pour défendre le pouvoir basé sur la force. Ce qui ne permet pas, réellement, de considérer le clanisme en tant que manifestation sociale « naturelle » ou, que cette considération, fait perdre au concept sa signification et occulte ce que le texte d’Ibn Khaldoun comprend de définition précise. Quelle est cette définition khaldounienne précise du clanisme.
Ecoutons Ibn Khaldoun :
« Comme la vie en société et le clanisme sont, dans le constitué comme un composant, ainsi que le composant de celui en constitution, il ne serait pas utile si ses éléments se neutralisent, il est nécessaire la dominance d’un élément conditionnant sa formation.  Le secret de la conditionnalité, de la prédominance dans le clanisme, et de la nécessité de la conservation de la présidence dans la partie à laquelle elle revient, comme on l’a conclu » quel est ce en formation dont parle Ibn Khaldoun et dont le clanisme forme le composant ?

Secundo : critique du concept de clanisme chez Ibn Khaldoun :