jeudi 18 décembre 2014

Le Piège du passé

Le piège : du noyautage du parti
à la déposition du président à vie
Se prendre à son propre jeu, se faire une bonne conscience d’une mauvaise cause.
Combattre les moulins à vent telle se trouva la cause de Donquichotte. Les diviseurs ne peuvent rassembler, tout projet en dehors de l’engagement national ne peut être qu’une trahison communautaire.
Rétablir les droits de l’homme, les libertés fondamentales et consacrer le principe d’un pouvoir démocratiquement constitué, où l’alternance est assurée par le jeu des mécanismes de choix participatifs de libre expression et de détermination constitutionnelle, son projet républicain.
Au début des années 70, et consécutivement au mouvement de revendication estudiantin, le réveil de la nouvelle génération de l’indépendance, formée par la jeune université tunisienne, à l’exemple de leurs aînés, qui se sont mobilisés dans le mouvement d’émancipation nationale et bravé la férocité de la répression de l’occupant, leur combat pour la libération du pays du joug colonial, trouvait son corollaire dans une pléiade de jeunes dont l’aspiration « révolutionnaire » se trouva la revendication de prendre part à la construction de l’Etat démocratique.
Des courants idéologiques de groupes d’activistes se formèrent revendiquant la participation à la construction de l’Etat, une prise de conscience identitaire se formait, parallèlement, sur la base des constituants culturels de valeurs morales et  ethniques.
Dans le sillage de la crise économique, politique et sociale, engendrée par l’échec de l’expérience collectiviste du mouvement coopératif,  les groupes gauchistes, qui ont adhéré à cette orientation,    dans laquelle ils ont vu une planche de salut pour le pays et un choix de programme qui les mobilisait, se trouvèrent dans le collimateur du pouvoir central autant que les éliminés de ce processus.
Cependant, Tout en gardant l’orientation d’apparat socialiste, le PSD prenait un revirement à 180°, à la suite d’une  consultation nationale. De larges franges populaires se sont exprimées, dans un sens libéral,  une nouvelle orientation  de la politique économique est mise en œuvre avec l’abandon des hommes «  du système coopératif » dont les figures de proue se retrouvèrent devant les assises de la court de sûreté de l’Etat, ou passés en disgrâce.
La consultation politique nationale appâta les réformistes au sein du parti, qui ambitionnaient d’introduire une ouverture politique d’accompagnement au libéralisme économique mise en œuvre par le Gouvernement Nouira, qui succéda à Béhi Ladgham au Premier Ministère.
Devant la détérioration de l’état de santé du président de la République, le dernier carré le défendant se retranchait pour sauver ce qu’il en reste de légitimité historique du pouvoir pour Bourguiba, le Congrès du Parti de Monastir en 1971 qui devait trancher quant à la nouvelle orientation politique du pays démocratique et libérale fût coupé court, une querelle de forme sur la question de la désignation du Bureau Politique à savoir au choix du président ou à l’élection par le Comité Central du Parti devait aboutir à une mise à l’écart du « clan » qui osait imposer au chef incontesté en invoquant  le droit de décider par voie électorale.  
Ainsi, tous les défenseurs de la démocratisation des instances du PSD se trouvaient passés en disgrâce entre démissionnaires et exclus du Parti( Bourguiba, se délectait à assurer que celui qui perdait sa confiance, sortait de la mémoire nationale et s’éclipsait du paysage).
Si la crise au sein du PSD consécutive à l’abandon du collectivisme coopératif devait voir ses partisans former le Mouvement de l’Unité Populaire, dissident, la crise consécutive au Congrès de Monastir de 1971 devait aboutir à la création du Mouvement des Démocrates Socialistes avec les figures de marque tel que Hassib Ben Ammar, Radhia Hadded, Ahmed Mestiri, Béji Caied Essebsi, Mohamed Salah Belhaj, Sadok Ben Jemaa, Mohamed Ben Ismaïl, Mohsen Boulahya et autres..en somme le parti s’est trouvé vidé de la majorité de ses compétences dirigeants et militants.
A la dissolution des Comités de Coordination et l’exclusion des militants sincères, des messages d’appui fusèrent de la Centrale Syndicale, dirigée par Habib Achour, des syndicalistes occupèrent les premiers rangs des rouages du parti, présidence de cellules destouriennes, secrétariat général de Comités de Coordination, un maquillage de façade, une pléiade, de nouvelles recrues inexpérimentées meublèrent le nouveau paysage partisan.
C’est dans ce cadre et consécutivement au Congrès du parti de Monastir 2 en 1974, qui décida de l’adoption du multipartisme et également d’adopter le principe de présenter la présidence à vie de Bourguiba que la vie politique du pays se trouva confortée par l’apparition de nouveaux partis politiques.
C’est dans le cadre de ce paysage qu’éclose un multipartisme et l’apparition de nouveaux organes de presse d’opinion, qui reflètent d’autres sensibilités partisanes.
Plusieurs contributeurs apportèrent leur réflexion dans ce courant dont notamment Erraï ( l’opinion) organe du MDS.
Le renforcement du mouvement syndical mené par Habib Achour, permis une amélioration sensible de la situation de la classe moyenne favorisé par l’ouverture économique que connaissait le pays et  le développement des Investissements Directs Etrangers.
Une double exploitation du rôle de plus en plus important joué par la Centrale syndicale à la faveur de la prépondérance de ses cadres à l’intérieur  du Parti au pouvoir et la bonne presse que trouvait son action  en faveur de la classe ouvrière, qu’elle menait, devait conforter des ambitions politiques de la Centrale et notamment de ses dirigeants, dans cette atmosphère de course entamée pour la succession que la santé de Bourguiba ouvrait.
Cette lutte devait culminer lors des événements du 26 janvier 1978, consécutifs à la grève générale décrétée par la Centrale Syndicale, qui se termina dans un bain de sang et l’intervention de l’armée pour rétablir l’ordre.
Il s’ensuivit une mise au pas de la  direction de l’organisation syndicale et l’emprisonnement de ses dirigeants, des syndicalistes de deuxième rang, montèrent pour combler la vacance ainsi provoquée.
Les modèles qui s’imposaient sur les plans économique et social portent au pragmatisme et à la modération, les organes de presse de la nouvelle opposition soignaient leur ton, généralement  conciliateur, confortant la stabilité politique et la croissance économique et sociale du pays, l’activisme des groupes de mémorisation du Coran modérés à ses débuts était toléré.
L’action politique en Tunisie post coloniale s’inscrivait d’une part dans le cadre du parachèvement de l’indépendance et d’autre part pour la construction de l’Etat.
Les syndicats ainsi que les organisations : patronale, d’entrepreneurs et artisans ainsi que celle  des agriculteurs s’intégraient dans ce cadre d’esprit de construction nationale en vue de remédier aux plaies et contraintes héritées du passé colonial. Une réalité mettait tous les acteurs de la vie politique dans l’obligation d’unir leurs efforts en vue de venir à bout du manque de moyens et pour combattre la misère, la faim, les maladies et l’ignorance que subissait le peuple tunisien. Là se concentre l’ambition du jeune Etat,  en vue de rétablir la dignité nationale bafouée par une longue et douloureuse occupation.
Le drame youssefiste venait éprouver une nation qui se construisait sur les cendres du passé, l’indépendance vit ses artisans parmi les résistants s’entretuer. Une différence d’approche, une querelle de leadership se posait.
Une majorité de l’opinion, dominée alors par l’orientation  nationaliste arabe de penchant nassérien prônait la solidarité de combat devant l’occupation de toute la région maghrébine, et que l’indépendance d’une partie ne pouvait se concevoir qu’en tant que trahison de l’autre.
Bourguiba défendait la politique des étapes face au tout ou rien de Salah Ben Youssef qui estimait l’autonomie interne accordée à la Tunisie consécutive à la Déclaration de Pierre Mendès France, en juillet 1954 la qualifiant d’un pas en arrière.
Une lutte armée sans merci s’engagea entre les partisans des deux antagonistes, que l’indépendance du pays le 20 mars 1956 ne devait pas apaiser. Les youssefistes intransigeants furent persécutés et contraints à l’immigration, disséminés entre les pays maghrébins, Libye, Maroc, pays du Machrek arabe et la métropole française.
Le courant nationaliste arabe, et la direction algérienne de l’indépendance, notamment Ben Bella garderont une rancune viscérale pour Bourguiba, taxé indument de traître de la cause arabe, que la solidarité de la Tunisie avec la résistance algérienne venait contredire.
Une opprobre frappa les youssefistes passés en disgrâce, leurs familles subissaient les pires humiliations de cette appartenance.
Une haine du régime les habita, Bourguiba, son gouvernement, son Etat, ses réalisations n’interpellent que leurs envies et leur dénigrement, tout est jugé à son contraire, toute avancée recul, toute édification, une destruction.
Le complot youssefiste déjoué, devait marquer le nouvel Etat, Bourguiba fut intransigeant à mettre en exécution la peine capitale prononcée contre les impliqués, civils, militaires, combattants et militants.
C’est dans cet état d’esprit et atmosphère que  certains conçoivent, une revanche  à prendre sur les réalisations qu’ils ne peuvent reconnaître à Bourguiba. Tout est répréhensible, ils seraient même allés à faire le procès à la France de nous avoir accordé l’indépendance, à condamner martyrs et militants, le parti et ses partisans, détruire le temple, là se trouve leur projet.
Cette haine se porte des personnes aux institutions républicaines, l’armée et les forces de l’ordre, les organes de  presse, le pouvoir judiciaire, le cadre constitutionnel et légal, l’histoire devrait être réécrite pour leur donner raison et réhabiliter les siens, du passé ils ne voient que son côté sombre  allant jusqu’à remettre en cause les faits et la force de la chose jugée, confusion d’obnubilés par leurs pensées, s’autodétruisant dans des combats plus d’illusion, de passion que de réalité.
Un procès plutôt d’intention, que de raison, rétroactif est intenté pour juger le passé de personnes et d’institutions sachant qu’en dehors de son contexte historique légal, tout procès est dénué de sens et ne serait qu’un non-sens une contre vérité, un délire d’aliénation, au piège d’idées, d’une avidité de revanche contre productive de division et de suspicion, se portant à une vision rétrospective que de perspective prospective de construction d'un avenir commun solidaire et prospère.