Le piège : du noyautage du parti
à la déposition du président à vie
Se
prendre à son propre jeu, se faire une bonne conscience d’une mauvaise cause.
Combattre
les moulins à vent telle se trouva la cause de Donquichotte. Les diviseurs ne
peuvent rassembler, tout projet en dehors de l’engagement national ne peut être
qu’une trahison communautaire.
Rétablir
les droits de l’homme, les libertés fondamentales et consacrer le principe d’un
pouvoir démocratiquement constitué, où l’alternance est assurée par le jeu des
mécanismes de choix participatifs de libre expression et de détermination
constitutionnelle, son projet républicain.
Au
début des années 70, et consécutivement au mouvement de revendication
estudiantin, le réveil de la nouvelle génération de l’indépendance, formée par
la jeune université tunisienne, à l’exemple de leurs aînés, qui se sont
mobilisés dans le mouvement d’émancipation nationale et bravé la férocité de la
répression de l’occupant, leur combat pour la libération du pays du joug
colonial, trouvait son corollaire dans une pléiade de jeunes dont l’aspiration « révolutionnaire »
se trouva la revendication de prendre part à la construction de l’Etat
démocratique.
Des
courants idéologiques de groupes d’activistes se formèrent revendiquant la
participation à la construction de l’Etat, une prise de conscience identitaire
se formait, parallèlement, sur la base des constituants culturels de valeurs
morales et ethniques.
Dans
le sillage de la crise économique, politique et sociale, engendrée par l’échec
de l’expérience collectiviste du mouvement coopératif, les groupes gauchistes, qui ont adhéré à cette
orientation, dans laquelle ils ont vu
une planche de salut pour le pays et un choix de programme qui les mobilisait,
se trouvèrent dans le collimateur du pouvoir central autant que les éliminés de
ce processus.
Cependant,
Tout en gardant l’orientation d’apparat socialiste, le PSD prenait un
revirement à 180°, à la suite d’une consultation nationale. De larges franges
populaires se sont exprimées, dans un sens libéral, une nouvelle orientation de la politique économique est mise en œuvre
avec l’abandon des hommes « du système coopératif » dont les figures
de proue se retrouvèrent devant les assises de la court de sûreté de l’Etat, ou
passés en disgrâce.
La
consultation politique nationale appâta les réformistes au sein du parti, qui
ambitionnaient d’introduire une ouverture politique d’accompagnement au
libéralisme économique mise en œuvre par le Gouvernement Nouira, qui succéda à
Béhi Ladgham au Premier Ministère.
Devant
la détérioration de l’état de santé du président de la République, le dernier
carré le défendant se retranchait pour sauver ce qu’il en reste de légitimité
historique du pouvoir pour Bourguiba, le Congrès du Parti de Monastir en 1971
qui devait trancher quant à la nouvelle orientation politique du pays
démocratique et libérale fût coupé court, une querelle de forme sur la question
de la désignation du Bureau Politique à savoir au choix du président ou à
l’élection par le Comité Central du Parti devait aboutir à une mise à l’écart
du « clan » qui osait imposer au chef incontesté en invoquant le droit de décider par voie électorale.
Ainsi,
tous les défenseurs de la démocratisation des instances du PSD se trouvaient
passés en disgrâce entre démissionnaires et exclus du Parti( Bourguiba, se
délectait à assurer que celui qui perdait sa confiance, sortait de la mémoire
nationale et s’éclipsait du paysage).
Si
la crise au sein du PSD consécutive à l’abandon du collectivisme coopératif
devait voir ses partisans former le Mouvement de l’Unité Populaire, dissident,
la crise consécutive au Congrès de Monastir de 1971 devait aboutir à la
création du Mouvement des Démocrates Socialistes avec les figures de marque tel
que Hassib Ben Ammar, Radhia Hadded, Ahmed Mestiri, Béji Caied Essebsi, Mohamed
Salah Belhaj, Sadok Ben Jemaa, Mohamed Ben Ismaïl, Mohsen Boulahya et
autres..en somme le parti s’est trouvé vidé de la majorité de ses compétences
dirigeants et militants.
A la
dissolution des Comités de Coordination et l’exclusion des militants sincères,
des messages d’appui fusèrent de la Centrale Syndicale, dirigée par Habib
Achour, des syndicalistes occupèrent les premiers rangs des rouages du parti,
présidence de cellules destouriennes, secrétariat général de Comités de
Coordination, un maquillage de façade, une pléiade, de nouvelles recrues
inexpérimentées meublèrent le nouveau paysage partisan.
C’est
dans ce cadre et consécutivement au Congrès du parti de Monastir 2 en 1974, qui
décida de l’adoption du multipartisme et également d’adopter le principe de
présenter la présidence à vie de Bourguiba que la vie politique du pays se
trouva confortée par l’apparition de nouveaux partis politiques.
C’est
dans le cadre de ce paysage qu’éclose un multipartisme et l’apparition de
nouveaux organes de presse d’opinion, qui reflètent d’autres sensibilités
partisanes.
Plusieurs
contributeurs apportèrent leur réflexion dans ce courant dont notamment Erraï (
l’opinion) organe du MDS.
Le
renforcement du mouvement syndical mené par Habib Achour, permis une
amélioration sensible de la situation de la classe moyenne favorisé par
l’ouverture économique que connaissait le pays et le développement des Investissements Directs
Etrangers.
Une
double exploitation du rôle de plus en plus important joué par la Centrale
syndicale à la faveur de la prépondérance de ses cadres à l’intérieur du Parti au pouvoir et la bonne presse que
trouvait son action en faveur de la
classe ouvrière, qu’elle menait, devait conforter des ambitions politiques de
la Centrale et notamment de ses dirigeants, dans cette atmosphère de course
entamée pour la succession que la santé de Bourguiba ouvrait.
Cette
lutte devait culminer lors des événements du 26 janvier 1978, consécutifs à la
grève générale décrétée par la Centrale Syndicale, qui se termina dans un bain
de sang et l’intervention de l’armée pour rétablir l’ordre.
Il
s’ensuivit une mise au pas de la direction
de l’organisation syndicale et l’emprisonnement de ses dirigeants, des
syndicalistes de deuxième rang, montèrent pour combler la vacance ainsi
provoquée.
Les
modèles qui s’imposaient sur les plans économique et social portent au
pragmatisme et à la modération, les organes de presse de la nouvelle opposition
soignaient leur ton, généralement conciliateur, confortant la stabilité politique
et la croissance économique et sociale du pays, l’activisme des groupes de
mémorisation du Coran modérés à ses débuts était toléré.
L’action
politique en Tunisie post coloniale s’inscrivait d’une part dans le cadre du
parachèvement de l’indépendance et d’autre part pour la construction de l’Etat.
Les
syndicats ainsi que les organisations : patronale, d’entrepreneurs et
artisans ainsi que celle des
agriculteurs s’intégraient dans ce cadre d’esprit de construction nationale en
vue de remédier aux plaies et contraintes héritées du passé colonial. Une
réalité mettait tous les acteurs de la vie politique dans l’obligation d’unir
leurs efforts en vue de venir à bout du manque de moyens et pour combattre la
misère, la faim, les maladies et l’ignorance que subissait le peuple tunisien.
Là se concentre l’ambition du jeune Etat,
en vue de rétablir la dignité nationale bafouée par une longue et
douloureuse occupation.
Le
drame youssefiste venait éprouver une nation qui se construisait sur les
cendres du passé, l’indépendance vit ses artisans parmi les résistants
s’entretuer. Une différence d’approche, une querelle de leadership se posait.
Une
majorité de l’opinion, dominée alors par l’orientation nationaliste arabe de penchant nassérien
prônait la solidarité de combat devant l’occupation de toute la région
maghrébine, et que l’indépendance d’une partie ne pouvait se concevoir qu’en
tant que trahison de l’autre.
Bourguiba
défendait la politique des étapes face au tout ou rien de Salah Ben Youssef qui
estimait l’autonomie interne accordée à la Tunisie consécutive à la Déclaration
de Pierre Mendès France, en juillet 1954 la qualifiant d’un pas en arrière.
Une
lutte armée sans merci s’engagea entre les partisans des deux antagonistes, que
l’indépendance du pays le 20 mars 1956 ne devait pas apaiser. Les youssefistes
intransigeants furent persécutés et contraints à l’immigration, disséminés
entre les pays maghrébins, Libye, Maroc, pays du Machrek arabe et la métropole
française.
Le
courant nationaliste arabe, et la direction algérienne de l’indépendance,
notamment Ben Bella garderont une rancune viscérale pour Bourguiba, taxé
indument de traître de la cause arabe, que la solidarité de la Tunisie avec la
résistance algérienne venait contredire.
Une
opprobre frappa les youssefistes passés en disgrâce, leurs familles subissaient
les pires humiliations de cette appartenance.
Une
haine du régime les habita, Bourguiba, son gouvernement, son Etat, ses
réalisations n’interpellent que leurs envies et leur dénigrement, tout est jugé
à son contraire, toute avancée recul, toute édification, une destruction.
Le complot
youssefiste déjoué, devait marquer le nouvel Etat, Bourguiba fut intransigeant à
mettre en exécution la peine capitale prononcée contre les impliqués, civils, militaires,
combattants et militants.
C’est
dans cet état d’esprit et atmosphère que certains conçoivent, une revanche à prendre sur les réalisations qu’ils ne
peuvent reconnaître à Bourguiba. Tout est répréhensible, ils seraient même allés
à faire le procès à la France de nous avoir accordé l’indépendance, à condamner
martyrs et militants, le parti et ses partisans, détruire le temple, là se
trouve leur projet.
Cette
haine se porte des personnes aux institutions républicaines, l’armée et les
forces de l’ordre, les organes de
presse, le pouvoir judiciaire, le cadre constitutionnel et légal, l’histoire
devrait être réécrite pour leur donner raison et réhabiliter les siens, du
passé ils ne voient que son côté sombre allant jusqu’à remettre en cause les faits et
la force de la chose jugée, confusion d’obnubilés par leurs pensées,
s’autodétruisant dans des combats plus d’illusion, de passion que de réalité.
Un
procès plutôt d’intention, que de raison, rétroactif est intenté pour juger le
passé de personnes et d’institutions sachant qu’en dehors de son contexte
historique légal, tout procès est dénué de sens et ne serait qu’un non-sens une
contre vérité, un délire d’aliénation, au piège d’idées, d’une avidité de revanche
contre productive de division et de suspicion, se portant à une vision rétrospective
que de perspective prospective de construction d'un avenir commun solidaire et prospère.
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