La formation de l'opinion
( introduction à la recherche sur la formation
de l'opinion, formes d'expression et structures mentales)
I. Les bases de formation de l'opinion et ses structures :
les formes d'expression.
1. La langue : Elément d'identification.
La langue constitue le moyen naturel de communication et
d'identification de base du groupe social, se caractérisant par des règles
strictes de prononciation et de composition, des déclinaisons particulières
s'attachent aux régions, à certaines familles, des codes de milieux, de
générations, de classe et de culture, au sens large de son acception
d'implication d'action, d'adoption, de prestance de représentation.
Celle-ci caractérise la formation nationale d'identification:
arabe, français, anglais, américain, chinois, espagnol, portugais, allemand,
turque, .....ses ramifications délimitent des sous groupes de dialectes
régionaux et de formation sociale identitaire, flamand, vallons, catalan,
amazigh, kurdes, touareg, kabyles....,
Outre la langue matrimoniale, l'apprentissage des langues
étrangères consécutif à la domination de la période coloniale: français,
anglais, espagnol, portugais et le russe pour l'Europe de l'Est, ainsi que les
exigences et contraintes de la mondialisation a astreint les pays du Nord au
développement de l'enseignement des langues étrangères, compte tenu du
développement des échanges interculturels. Le développement des moyens
d'échanges et de communication a favorisé le rapprochement des peuples, une
nouvelle civilisation caractérisée par l'interaction entre les cultures et les
civilisations prend forme, uniformisant les concepts, les idées, les
formes et les normes d'organisation
politique et sociale..
2. La culture:
A chaque langue, une culture sous-jacente: arabo-islamique ou
laïque, germanique, hispanique, anglophone, francophone, japonaise, chinoise,
avec ses références sociales, politiques, d'histoire, de courants de pensée et
ses hommes symboles de sa culture avec leur héritage d'écrits ou d'autres supports
de création et d'expression :art plastique, cinématographique, théâtral, en
prose ou poétique, architectural, idéologique, scientifique, d'usages, de
coutumes, gastronomique, vestimentaire.
Un référentiel commun au groupe le caractérise, un héritage d'idées,
d'histoire victorieuse ou moins glorieuse, forme le fond de sensibilité sociale
partagée dont la défense constitue un ciment de perpétuation d'une identité
pouvant forger une nation.
3.L’acculturation anthropologique culturelle.
La Tunisie a été soumise tout au long de son histoire à une
succession de vagues d’influences d’envahisseurs et d’immigration qui ont
imprégné l’identité de son peuple, sa
perception, son approche, le caractère tranché d’ouverture et de tolérance qui
marque sa modération, la diversité et la richesse de sa culture, de sa
civilisation.
Multiconfessionnelle, la Tunisie a été le creuset de
plusieurs civilisations, dont la culture arabo-islamique, berbère, forme
l’essentiel de sa structure ethnique, les souches de sa population de religions
monothéistes Islam, Judéo-chrétienne sont non seulement tolérées mais
cohabitent pacifiquement et y tiennent librement leurs chapelles, synagogues et
mosquées
L’immigration des chassés d’Andalousie : à partir de
1607, une immigration civilisatrice
commença.
L’épuration ethnique de l’Andalousie, consécutive à sa
libération du joug arabo-islamique, d’Espagne occasionna une immigration de la
population de confession musulmane chassée vers le sud de la méditerranée dont
la Tunisie en accueilli une partie.
Cette immigration a permis le transfert de modes de vie,
d’industries, une révolution artistique, urbanistique et culturelle imprégna la
société tunisienne, la renaissance culturelle sous jacente qui s’ensuivit
bouleversa le mode de vie aussi bien de la population émigrée que de la
Tunisie, une nouvelle société émergea(voir histoire de la Tunisie de Hassen
Hosni Abdelwahab) :
_ développement de nouveaux systèmes d’irrigation,
_le tissage de la soie,
_la production de couvre chef traditionnels(chéchia),
__la production céramique,
_l’essor urbanistique : de nouvelles agglomérations ont été
constituées dont notamment Slimane, Grombalia, Jedaïda, Zaghouan, Tebourba,
Medjaz El Bab, Testour, Kaalaat Landalous, des quartiers de Tunis ville.
_enrichissement des arts et des lettres, notamment la musique
traditionnelle andalouse (le malouf), adopté par une large frange de la
population,
_ la sculpture du marbre et du gypse.
La Tunisie post coloniale :
La colonisation française de la Tunisie a engendré une acculturation
forcée dont l’empreinte s’est retrouvée concrétisée dans une syncrétisation
culturelle (métissage culturel). Ainsi, l’enseignement de la langue française
a-t-il été développé dans les écoles publiques, l’enseignement de la langue
arabe s’est retrouvé négligé. à l’exception dans les systèmes zeitounien
et Sadikien.
Sur le plan urbanistique, la ville arabe s’est vu doublée de
nouveaux quartiers d’architecture occidentale, réservés aux colons, deux villes
se côtoyaient : arabe et moderne. La population locale s’est progressivement
modernisée sur les plans vestimentaire, de coutumes, et de nouvelles habitudes
culinaires introduites.
Les échanges commerciaux se réalisaient à 80% avec la France,
et le développement du réseau ferroviaire devait s’orienter en vue de faciliter
le transport de la production agricole et des richesses minérales de
l’intérieur du pays vers la cote en vue de son exportation. Le développement de
la production manufacturière consacra la transformation de la vie quotidienne
de la population autochtone.
La colonisation a favorisé en Tunisie le développement de
l’apprentissage et de l’utilisation de la langue française ainsi que des
valeurs de la culture et de la civilisation, des idées, de l’histoire de
ce pays. La formation des élites dans
les universités notamment françaises devait consacrer un éveil national et une
conscience de valeurs universelles, bafouées par la pratique coloniale, deux
mondes se côtoyaient dont le niveau de vie sépare.
Cette prise de conscience de l’élite devait favoriser
l’émergence du mouvement national et la libération du pays, une conscience de
citoyenneté et des valeurs républicaines consécutivement à la perception de son
élite de l’absurdité du pouvoir beylical, rémanence d’un empire colonial
ottoman, depuis longtemps démembré.
L’indépendance du pays et la construction de l’Etat moderne,
sur la rive sud de la méditerranée, avec le développement de rapports
d’interdépendance avec l’ancien colonisateur, s’il consacra une certaine
émancipation sociale et économique n’en favorisa pas moins une conscience de
domination culturelle et d’assimilation réductrice.
Alors que la mondialisation uniformisait la société post
coloniale et que la science et les techniques rapprochaient les approches de
développement. Un courant culturaliste ne percevait pas moins que cette
ouverture altérait la culture arabo musulmane et portait atteinte à son
authenticité.
Si le printemps arabe a favorisé un militantisme en faveur de
la démocratisation sociale, politique et culturelle, un mouvement inverse ne se
dessinait pas moins prônant le retour aux valeurs traditionnelles ancestrales.
L'éclosion et le développement de ce mouvement trouve ses
racines à la décolonisation de la domination soviétique en Afghanistan perçue non seulement en tant que libération
nationale mais notamment en tant qu'une lutte pour une libération
confessionnelle, appelant à retrouver les valeurs radicales de l’Islam en
combattant tout aussi bien le monde soviétique qu’occidental qui menaçait sa
civilisation d’extinction et son identité de disparition.
Une négation du cadre national et étatique s’ensuivit et un
militantisme agressif armé pour un cadre confessionnel doctrinal traditionnel
se développa, menaçant le statu quo géopolitique de la région.
L’acculturation consécutive au développement du tourisme et
aux phénomènes migratoires :
L’accueil par la Tunisie d’un nombre important de touristes
de diverses nationalités, langues, cultures et civilisations a favorisé les
échanges réciproquement enrichissants et le développement tout autant
économique, social, éducationnel que culturel de création.
L’ouverture de l’espace médiatique, notamment la
communication satellitaire, a également favorisé le développement de phénomènes
comportementaux et de transport d’idées et de coutumes, qui ont marqué
l’évolution et les clivages idéologiques dans nos contrées, si certaines ont
favorisé l’ouverture et l’émancipation d’autres ne prônaient pas moins la
xénophobie, la culture de la haine et le terrorisme.
Les événements du
printemps arabe et l’expansion fulgurante des mouvements sociaux
démontre à l’évidence la sensibilité et la perméabilité de l’espace culturel et
politique favorisé par les moyens modernes de communication notamment par
télévision satellitaire.
L’immigration constitue également un moyen d’acculturation
qui a engendré tout autant des problèmes d’adaptation pour les pays
récipiendaires d’accueil que pour les émigrés.
Une interaction culturelle et confessionnelle a mis à
l’épreuve l’ouverture sociale des pays d’accueil ainsi que des efforts
d’adaptation identitaire pour les immigrés. Des défis identitaires se posent
également avec acuité pour les pays récipiendaires, dont l’équilibre social se
trouve menacé, engendrant un mouvement d’animosité et de résistance au
développement des échanges interculturels et à l’immigration.
II Les structures mentales :
La structure mentale : un état d'esprit caractérise l'opinion
en rapport au milieu: rural, industriel, d'organisation tribale, urbain,
moderne ou traditionnel.
L'ordre des valeurs diffère d'un milieu à l'autre et
conditionne l'attitude de l'opinion entre conservatisme, modération,
libéralisme, opposition, contradiction ou concurrence.
L'opinion conditionne l'attitude vis à vis de l'autre : son
acceptation et son intégration, ou sa répulsion et son rejet.
Le développement socio-culturel, les facteurs d'appartenance, la classe
sociale, la formation socio-professionnelle, les usages et les coutumes conditionnent la détermination de
l'opinion.
III les déterminants de l'opinion :
L'opinion peut revêtir un caractère personnel, de groupe, sociétal
ou national. Celle-ci évolue selon ses déterminants qui peuvent être liés à la
conjecture de circonstances et de contingences en rapport avec les convictions,
les croyances, les engagements et appartenances identitaires, idéologiques,
confessionnels et socio-culturels.
IV Domaines d'expression et d'exercice de l'opinion:
L'adhésion conditionne l'expression de solidarité du groupe,
sa cohésion et détermine le sens de son action aux niveaux d'implication
personnelle et collective : familial, régional, national ou d'orientation
politique et sociétale.
L'opinion peut porter au renforcement de la cohésion du
groupe social si elle participe à sa valorisation et la satisfaction collective
des éléments et composantes du groupe.
Les opinions contradictoires et répulsives si ce n'est
d'animosité peuvent conduire à la désintégration du groupe et la dilution des
facteurs de solidarité qui l'animent.
-l'universalité et la particularité: l'opinion s'inscrit dans
le cadre d'implication de l'individu en rapport à son adhésion aux valeurs
universelles tel que les droits de l'homme et les libertés fondamentales
sous-jacentes ainsi qu'aux convictions personnelles propres à son milieu et à
son développement éducationnel et culturel.
V l'implication citoyenne : les cadres d'expression de
l'opinion.
Les espaces de confrontation de l'opinion dans le processus
de prise de décision.
L'opinion est l'un des ressorts de la prise de décision, de
l'adhésion du citoyen à un programme politique communautaire. L'engagement,
s'il est conditionné par l'opinion soumise aux pressions psychologiques,
sociologiques, environnementales de détermination de l'individu par la
persuasion, l'argumentation contradictoire, l'autorité morale, hiérarchique, de
conscience, d'allégeance/appartenance au groupe considéré.
Cette implication est également motivée par l'intérêt de
l'individu autant pour sa protection, son soutien moral et matériel, que par le
réconfort moral qui sanctionne la conscience de solidarité identitaire.
VI L'opinion un moyen d'évaluation, un outil démocratique de
prise de décision:
Un moyen d'évaluation qualitative:
L'opinion revêt souvent une forme d'évaluation qualitative
sur la base d'échelles de valeurs positives et négatives d'appréciation et de
dépréciation, d'ordre moral, éducationnel, culturel, et civique.
Au plan quantitatif :
L'opinion trace la
différenciation d'appréciation entre des choix décisionnels entre des
programmes ou des personnes.
Les sondages d'opinions permettent d'évaluer le degré
d'adhésion d'une proportion de la population, d'une région, ou au plan national
en faveur de certaines options.
Le sondage d'opinion permet, également, d'évaluer
l'orientation majoritaire prépondérante du groupe en question.
Cette technique permet de départager entre les parties par
une contradiction d'idées pour la prise
de décision directoriale par le système de votation prévu par les statuts et
les lois le régissant.
Abdelaziz Babacheikh
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire