mardi 12 novembre 2013

La pensée politique arabe de Mohamed Abed Jabri (suite 3) Une lecture critique Nadhir Jahel. traduction de la langue arabe.


La pensée politique arabe
 de Mohamed Abed Jabri (suite 3)
 Une lecture critique Nadhir Jahel. traduction de la langue arabe.
Revue Exégèse (IJTIHAD) N° 15/16 printemps été 1992

.Secundo : critique du concept de clanisme chez Ibn Khaldoun :

L’intérêt essentiel  d’Ibn Khaldoun, par la définition du concept de  l’esprit de corps (asabiya),  se trouve l’affirmation du pouvoir  dominant, basé sur la force. Ce point de départ paraît naturel pour deux considérations :
La première : partir de la tradition bédouine,
La seconde : le principe général, dans ce milieu, se base sur la légalité de la force au lieu de la force de la loi.
Ce qui implique que la force se trouve au centre de la formation de l’esprit de corps en général.
Deux questions subséquentes :
-         Est-ce que l’esprit de corps est réellement le composant, qui constitue la toile de fond des relations de parenté, dans la presqu’Ile arabique au temps de la révélation ?,
-         Et, si la question se présente sous cet aspect : comment peut-on définir cette formation sociale spéciale, dont l’esprit de corps en constitue la composante ?.
Le concept de domination pour Ibn Khaldoun est très important, et nous permet à travers les études disponibles, et les recherches réalisées, de découvrir le degré de véracité du concept d’engagement de l’esprit de corps, et son acuité en tant que  « révélateur ».
Il est nécessaire, en vue de concevoir cette signification, de se représenter le constituant parenté, en partant d’un champ formé de réseaux de parenté(relations de parenté, d’alliances), complexe, enchevêtré, que signifierait la domination dans ce milieu ? Celle-ci implique l’émergence d’un ou de (plusieurs) éléments, se transformant en pôles d’attraction , qui portent la parenté, d’un moyen par lequel l’homme détermine sa position(proche, éloigné) des autres, et d’un registre dont on se servirait pour établir les liaisons dans un rassemblement, à un registre /origine qui mesure les relations et les positions, et se transforme en base de calcul de référence.
Dans ce sens, la parenté authentique ouvre une dynamique qui se base sur la concentration de la force, et son ancrage propre lui permettant de fixer ses racines dans la nature, à travers la souveraineté et l’échelle d’alliances qui porte l’origine de parenté, au stade de genre, d’espèces naturelles, qui se multiplient.
Cependant, cette forme de croissance, cette prédominance, de ces pôles d’attraction, se caractérise chez Ibn Khaldoun en tant que phénomènes temporaires et événementiels d’une situation antérieure ; Quelle est cette situation ?  Suivons attentivement ce qu’il affirme :
« L’origine de toute honorabilité est extérieur, c'est-à-dire qu’elle émane d’une présidence et d’un honneur qui la qualifie, et son contraire, l’absence d’appartenance, signifie que toute honorabilité et  appartenance, n’existait pas avant son occurrence,  comme c’est le cas pour tout événement.
 La fin du lien intervient à la quatrième génération, qui déviera de  la voie de ses prédécesseurs, en tout, et perd la continuité, comme l’on découvrira de la considération des relations entre les hommes, dont on ne sait ni comment ni la cause de son occurrence, en imaginant que c’est le lien de parenté seulement qui l’impose, alors, celle-ci s’en éloigne et ne percevrait que son mérite  sur son clan, confiante en son éducation à les suivre, en ignorant ce qui a nécessité cette relation d’appartenance… ».
Le cycle de succession entre les clans est en rapport avec cette « extériorité », qui se trouve de quitter l’honorabilité à la décadence, qui accompagne le passage de l’honorabilité d’un clan à un autre….C’est ce qu’on retient d’une première lecture du texte, mais si l’on examine attentivement sa signification ; l’on découvrira que cette situation d’instabilité, cette domination, qui ne cesse de se battre, dans un champ de forces qui s’affrontent, et qui ne peut atteindre qu’un équilibre momentané « implique que toute honorabilité, est précédée par son absence ».
Il apparaît ainsi, si l’on cerne tout honneur …et son absence, compte tenu qu’à l’origine, il n’existe aucun lien de parenté, en l’absence d’une concentration de la force, il en découle que cette concentration n’est que provisoire, et ne comprend pas les causes de son renforcement ou de sa formation, enraciné et constant, dans une partie …..
Si la condition de tout honneur initial se trouve extérieure à tout honneur ; ceci signifie que la tendance générale, à laquelle est soumis l’esprit de corps en formation, se trouve la corruption. Il n’apparait pas que l’explication générale donnée par Ibn Khaldoun de cet état de corruption, qu’il impute à l’ordre de la création, convaincant, mais parait une forme de subterfuge et d’un maquillage, par le recours à la philosophie aristotélicienne, en vue de cacher un examen critique, des fondements de la puissance dominante, s’infiltre, dans la même démarche, par laquelle Ibn Khaldoun fonde sa légitimité.
Le fondement ou la base se trouve, ici, dans la décomposition de l’esprit de corps, en formation basé sur la domination ; de même que cette domination parait comme un ordre provisoire à l’intérieur de la tribu, ordre qui ne porte pas à un clivage, qui ne tranche pas nettement entre gouvernant et gouverné. Ce fondement, cet enracinement ne se mue pas en règle, mais demeure passif, formant une barrière sur laquelle s’encastre la  mouvance de concentration. Ce qui fait que l’esprit de corps dépense une énorme énergie et consomme les relations de parenté (comme on le verra ci-après,
Cette représentation, qui nous parait proche de la logique de la société tribale, pose deux questions :
La première question :
Se rapporte au modèle de cette vie en société, c'est-à-dire sa composition, que l’on ne peut comprendre qu’à travers la façon dont il se forme pour son époque, sa situation géographique et sa langue, compte tenu que le degré de parenté bien qu’il soit ici l’origine essentiel de la force, dans l’activité du groupe, elle ne fait pas des autres positions la portée de son ombre.
Il est erroné, totalement, de croire qu’on puisse découvrir la logique de la formation générale, en commençant par tirer le principe de l’esprit de corps, au niveau de la parenté, puis de comprendre les autres niveaux comme la religion et l’économie…en les rapportant à ce principe perdu dans les dédales d’un labyrinthe, et les imaginations du type de la composition des éléments politiques et économiques, puis de les décomposer et de pondérer l’économique…Car l’important reste ici la formation générale, ce qui implique la nécessité de fixer les règles qui font qu’un composant se trouve dans ses niveaux d’échelle réelle, ou même estimative (dans un premier stade  d’analyse), en créations différentes mais qui s’assemblent, dans un seul principe, qui donne à cet élément ou à cette donnée son identité :
Lorsque l’esprit de corps, se trouve un composant du groupe en  formation, son principe doit se trouver( et les règles auquelles il se soumet) dans des formes ou créatures différentes aux niveaux de la langue, la religion et l’économie…et au niveau des liaisons qui les  relient entre-elles, mais cependant ces créatures ou ces formes nous permettent de déceler ces niveaux  et de les fixer même de façon approximative.
Nous devons, ainsi, essayer de représenter cette formation, partant de l’esprit de corps, non en tant que niveau, mais en tant que début, comme composant. D’où peut-on procéder ?.
Il apparait de ce qui précède, qu’il est nécessaire, de faire « éclater » les limites du concept d’esprit de corps, en tant que concept réservé à la parenté, en vue d’atteindre le concept du composé tribal  « primitif » général, de faire éclater ses frontières, en vue d’expliciter ce qui se passe , au niveau de la parenté, pour comprendre sa formation en général.
Que se passe-t-il au niveau du lien familial ?;
Ce que nous observons ici, l’émergence d’unités de parenté, qui concentrent la puissance, en consommant, pour cela, l’énergie des autres unités, transformant la parenté d’une langue de signaux, qu’on utilise pour observer les lignes de liaison, et les points de rapprochement ou d’éloignement entre les personnes, et d’une technique pour fixer la périodicité naturelle de succession des générations, dans un registre culturel linguistique : des liens de parenté, à une source d’énergie en s’intéressant à sa liaison à la nature, ce qui la caractérise en tant que source et centre d’attraction du pouvoir… Cette transformation de la parenté en une dynamique naturelle, qui ramène l’humain à la multiplication des genres naturels, est en opposition totale de sa fonction, en tant que langue de signalisation, qui relève  la donnée naturelle pour la classer, dans le milieu social. Et de ce point de vue conduit au cheminement de sa consommation de l’énergie parentale, à consommer l’énergie expressive c'est-à-dire à utiliser la langue qui démontre, en une langue magique, dont les significations se détachent de ses expressions.
Et l’on doit, avant de détailler «ce qui se passe à ces différents niveaux de parenté, et de langue, puis la richesse et la puissance politique,- de revenir à cette « extériorité » à la « décadence ». Que représente cette « décadence », cette situation dans laquelle l’honneur demeure le centre du pouvoir qui lui est rattaché ? Ibn Khaldoun qui cherche à ancrer la force, en vue de justifier le pouvoir basé sur l’extorquassion, le voile au niveau théorique. Mais, si l’on se réfère de nouveau à l’expression « que tout honneur ou parenté, son absence lui précède » nous découvrons que c’est une condition originaire. Une condition équilibrée : quelle est cette « décadence »?.
Elle a commencé maintenant à se dévoiler, en tant que modèle de parenté islamique. Elle se retrouve dans la société tribale, qui a dévié du monothéisme et pénétré ce champ, basé sur la concentration des forces, qui se combattent, entre leur apparition et leur déclin. C’est une situation qui ne parait pas marginalisée et défigurée, seulement, à cause de l’émergence de la domination de l’esprit de corps, en tant que déséquilibre qui la rend « indigence » et ce, après la transformation de la parenté-langue, en une réserve de parenté, que consomme le pouvoir en vue d’ancrer son identité, et la transforme en source origine, c'est-à-dire, en une nécessité de création.
Comment cette puissance adapte-t-elle l’esprit de corps, et le mène en vue d’en faire une identité d’origine, et de la parenté ancrée « indigence », elle s’adapte elle-même dans deux directions, qui apparaissent clairement, si on les cherche au niveau de la langue :
La première direction mène, à travers la continuité de la parenté de succession, des espèces naturelles, à la formation des classifications nominales, à travers lesquelles, se rattachent les ensembles, jusqu’au règne animal et végétal.
Et, la seconde, reflète les ramifications du champ parental sur les astres, et dont se forment, dans son cheminement, les constellations et les appellations divines, de sorte que « l’esprit de corps symbolique » divin se lie à l’esprit de corps humain, de similitudes et de réflexion en même temps : il a été cité dans l’interprétation de la balance : « citation du coran {Ils imputent à dieu les filles qu’il soit vénéré}Ils prennent les divinités, à l’exception de dieu ou certains dieux, en genre féminin, affirmant que ce sont les filles de dieu. Il est rapporté que les tribus de Khuzaa et de Kanana croyaient : que les anges étaient des filles de dieu.
Les apostats brahman et bouddhistes et les sabii confirment l’existence de plusieurs divinités, parmi les anges et les démons, du genre féminin, et qu’elles sont les filles de dieu.  Dans le coran, il est cité {Ils ont fait des anges, qui sont les créatures du miséricordieux, des femelles} Zokhrof 19, et d’ajouter, {ils ont érigé, entre dieu et les génies, une parenté } Safat 158. Certains ont motivé cette féminisation à cause de leur invisibilité.
Si l’on revoit les idées des idolâtres, malgré leur diversité, et dont on a cité la moitié dans la 10ème partie de ce livre,-on saura que les arabes n’ont rien inventé dans cette croyance, mais qu’elle prend racine dans les idées, des ancêtres des idolâtres en Inde, Egypte, Babylon, la Grèce et Rome.  L’examen attentif des origines de leurs idées, nous fait découvrir qu’ils prennent les anges, dont découle le bien, et les diables dont découle le mal, en tant que divinités qu’ils adoraient en les vénérant et en les craignant. Et ces principes transcendants et ces forces globales, qu’ils leurs imputent, et dont ils sont, d’une autre façon, la manifestation, se divisent en actif et réactif et considèrent, leur réunion en mariage et une dualité, dont ils qualifient l’élément actif, de père et le réactif de mère, et le résultat de leur union de progéniture, qui se divise en garçons et filles ainsi que certaines divinités, sont mères et filles, d’une part, et de père et fils, d’autre part.
Si les idolâtres arabes convenaient : que tous les anges sont les filles de dieu, affirmer qu’ils aient voulu imiter en cela, ceux qui les ont précédé, par ignorance et sans vérification. Ce texte offre une occasion unique pour clarifier ce qu’on vise par « esprit de corps symbolique », car il présente la composition de l’espace de l’idolâtrie symbolique, et sa vision des apostats en relation avec les brahman et les bouddhistes –et cela conduit à ne point séparer les idolâtres avant l’islam des apostats comme en dispose Jabri.
Comment apparait cette composition symbolique, et quelle est sa relation avec l’esprit de corps parental ? Signalons, tout d’abord, que l’interprétation de Tabtabaii, qui limite cet esprit de corps symbolique à la gente féminine, en l’imputant à l’ignorance des arabes, est faible, l’espace symbolique ne peut être analysé sur la base de l’ignorance et le savoir des ordres symboliques, qu’utilise la communauté pour la formuler, car les façons de cette formulation prennent une signification en soi . Pourquoi se formerait l’esprit de corps des anges de genre féminin, et que les arabes n’insistent pas sur le mariage dans les mondes des anges et des diables ? Une seule réponse apparait ici et semble probable, car il comprend une énergie qui clarifie, c’est que l’esprit de corps symbolique est une succession de parenté féminine. C’est la représentation  de l’esprit de corps parental de la femme, ce n’est pas une parenté d’échange, qui se fonde sur le mariage, mais une parenté d’alliances, dans laquelle les femmes sont présentes à la place des hommes. Il s’en suit que le monde des divinités est un niveau qui ne se distingue pas du composant général, et il nécessite pour sa continuité une énergie semblable à l’énergie parentale :
« l’énergie linguistique » de même, que l’esprit de corps, consomme le champ de parenté et le décompose, l’esprit de corps symbolique consomme le champ d’expression et disperse son sens de sa signification, et elle ne se détache pas foncièrement du déséquilibre de perception-linguistique.
N’est-il pas attirant l’attention, ou même, étonnant que le coran impute la vénération de statues à une manifestation linguistique : {ce ne sont que des noms, que vous avez imaginé vous et vos pères, que dieu n’en a pourvu d’aucun pouvoir} Najm 23.
Que le nom ne soit pas  objet de transcendance de pouvoir signifie qu’il est dépourvu d’existence, ce que vous avez nommé de divinités ne sont en fin de compte que de simples nominations. Ce qui implique que vous avez nommé des noms dont vous avez transformé le signifiant en signification vide, dont  vous avez éparpillé la signification linguistique.
Ainsi, se crée, au niveau de cet esprit de corps symbolique, une unité composée et transcendante, qui sépare les événements et les créatures, selon les signes astrologiques, qui ne les lient au monothéisme qu’à travers l’ordre de pardon, qui sépare entre la cause et l’attachement suprême et rend les créatures, qui s’y rattachent et leur rattachement à l’ordre de causalité général, unifié.
Voici donc un formé général dont le composant se trouve l’esprit de corps parental, et son apparence essentielle gomme le réseau de parenté, et la perturbation de la langue, une apparence, qui conduit à une tendance générale lente vers l’effondrement, ce qui conduit le groupe à œuvrer en vue de repousser toutes actions de changement temporel…
(Et il dévoile les raisons du renoncement des sociétés primitives à l’histoire). Un certain genre d’unité dégommé nait dans le groupe en formation régissant tout niveau de son échelle d’une façon parfaite qui attribue à chacun de ses niveaux sa spécificité.
Niveau                                    Langue                                   logique/rassemblement
Les divinités                           les noms des divinités              ordre du pardon
Les astres                                prose rimée
L’esprit de corps parental ....................................................Le pèlerinage
Règne animal                           poésie
Ordre végétal                                       les noms totémiques. 

II La représentation « de la lampe magique ».

Le passage du cadre de l’esprit de corps, à la formation générale, dévoile le degré de bassesse de cette observation automatique, qui considère la religion ou les symboles magiques,  une forme de vernis….Comme si l’homme même s’il est  conscient de ses croyances, se trouvait dans  un état schizophrénique, qui le porte à les exploiter dans des desseins de gains économiques ou politiques, ne seraient pas schizophrène, en tant qu’individu ou groupe personnellement,  ou comme si cet état de schizophrénie ou « d’hypocrisie »ne serait pas une situation réelle,  qui traverse les valeurs du groupe, et préside à son champ de perception imaginatif-linguistique.
http://ia601606.us.archive.org/0/items/94574/1516-1992.pdf