La pensée politique arabe
de Mohamed Abed Jabri (suite 6)
Une lecture critique Nadhir Jahel.
traduction de la langue arabe.
Revue Exégèse (IJTIHAD) N° 15/16
printemps-été 1992.
L’esprit de corps parental :
Il nous faudrait tout d’abord
procéder à une nouvelle lecture des
transformations parentales, qu’a connu l’étape de la révélation à Mecque.
Est-il vrai que ces transformations n’aient abouti, comme le perçoit Jabri, qu’à
une nouvelle polarisation de l’esprit de
corps tribal, qui a plongé la révélation, depuis ses premières étapes,
au champ de confrontation clanique, la portant à une réaction, à la politique d’esprit
de corps, séparant ainsi sa tête idéologique (la dévotion) de son corps tribal ? écoutons le :
« Le prophète est ainsi devenu
maintenant protégé par ses proches( Béni Hachem et Béni Muttaleb), malgré qu’ils
n’aient pas répondu à son prêche de la révélation. Cependant, un événement « banal »
dont a été victime le prophète, alors, sera la cause de la proclamation de son
oncle Hamza de sa reconversion à l’Islam,
dans le cadre d’un défi tribal, aux opposants au prêche de la révélation de
Mahomet. Il occura qu'Abou Jahl Makhzoumi : ait croisé le prophète
près de Safaa, le violenta et l’insulta(…) ce qui, rapporté à son oncle Hamza, provoqua sa colère , allant, en l'état, à la recherche d’Abi Jahl, qu'il retrouva assit dans un groupe
de Koreich; surmonté, il lui lança : "qu'il suivait sa religion, et défierait quiconque, qui se sentirait prêt à l'affronter ? un homme de Béni Makhzoum se leva pour appuyer Abi Jahl »,
s’avisa, craignant que l’incident ne tourne en guerre tribale, sans fin. Alors, il se confonda et interjeta, pour apaiser Abi Jahl : Aba Amara, je jure par dieu que j’ai insulté son neveu en
des termes avilissants. Hamza quitta les lieux annonçant sa reconversion à l’Islam,
incidemment, il le regretta, et resta hésitant, un certain temps au bout
duquel, il se convertit à l’Islam, et alla en informer le prophète(…) de cela, Jabri
ajoute, dans un autre passage :
« La rupture entre Béni Hachem
et Koreich dura trois ans, mais n’était pas totale…Il se trouva des failles « tribales »,
certains de leurs parents continuaient à leur apporter la nourriture,
conformément à la charte/pacte obligeant Koreich uniquement, alors que d’autres
tribus, faisaient commerce avec Béni Hachem et Béni Mattaleh, malgré les
pressions de Abi Jahl… ».
Nous découvrons, dans le récit de
Jabri, de ces événements, dans ce qu'il rapporte de la vie du prophète, la façon dont il
utilisa les concepts, là la « tribu » avoisine « la croyance » les deux concepts paraissent se succéder, dans la lampe
magique, alors que la « tribu » supplante « la croyance »
de sorte qu’il ne reste de cette dernière que l’ombre d’une chose imaginaire…N’était-il
pas mieux que Jabri utilisa, par exemple, les techniques cinématographiques, en
vue de voir comment se transmettent les photos qui se transforment,
évolutivement, en d’autres images animées, qui se déroulent dans le temps ?!
Nous constatons, dans l’époque mecquoise,
une dynamique parentale de rapides transformations , qui précède l’émigration ou
conditionne son occurrence : en d’autres termes, la division clanique ne
se déroule pas, selon une logique d’esprit de corps, mais s’insère dans un
nouveau mouvement qui atteint l’ensemble de la formation, qui se construit sur
cette logique. C’est un conflit entre deux logiques et deux champs. Ce qui
signifie que l’appartenance des proches du prophète, à son projet, entraine l’engagement
de ces proches dans un champ qui transforme son champ de vision conceptuel
symbolique.
C’est ce qu’on retient, réellement,
de la position de Hamza, lorsqu’il affronta son protagoniste, il ne l’a
affronté qu’avec une position argumentée qui l’a porté à un champ conceptuel-linguistique
nouveau…Alors que la question de son hésitation, qui est citée dans le récit d’Ibn
hachem, même si elle est véridique, ce qui est peu probable, elle ne démontre
pas la prévalence de la logique tribale, mais la gestation de la naissance d’une
nouvelle logique.
Cette logique apparaitra après l’émigration,
à travers le même mouvement de transition, qui imbrique l’ancien dans le
nouveau, et ce dans le cadre de deux expériences : le pacte de fraternité
et la charte du prophète régissant les relations entre les musulmans de Koreich
et les habitants de Yathreb. Et, il est nécessaire de s’arrêter devant ces deux
événements, pour clarifier les transformations profondes, qui ont frappé la
logique parentale après l’émigration. Le pacte de fraternité entre les
émigrants et les alliés, a non seulement brisé la prédominance de l’esprit
de corps, mais ses fondements et la base de sa logique : la parenté successorale,
ce qui sépara, même si c’est momentanément, la communauté religieuse de l’esprit
de corps d’une façon tranchante, l’on voudra ici passer en revue d’une façon
critique quelques observations formulées par le docteur Radhouane Essaied à ce
sujet :
« Ce qui est clair, c’est que
cette tentative, malgré les différentes causes, que citent les analystes, visait à réaliser l’intégration totale,
sur la base de la religion, entre les musulmans. Le prophète aurait peut-être conçu, à n’importe quel instant,-poussé par sa hargne contre la tribu et l’esprit
de corps, qui ont entravé l’empressement des gens à se convertir à l’Islam-, la
possibilité de détruire les relations familiales, le clan des proches et la
tribu, et l’édification d’une construction sociale/idéologique complètement
rénovée. La comparaison hâtive entre le livre, précédemment cité, et cette fraternité, confirme leur
contradiction sur les plans de la signification et du contenu. Ce qui aurait
été logique, serait que l’inverse arriva. C'est-à-dire que la fraternité ait devancé historiquement le
livre, mais lorsque son échec s’est avéré, la révélation du coran l’annulant, le prophète
s’est empressé de la remettre en place pour remplacer le livre. Ainsi, la question s’est reposée au cœur
des textes coraniques, qui ont considéré les particularités de la troisième
étape sociale, des traditions morales et sociales, dont on ne devait pas s’en
écarter, mais de développer, dans leur contexte historique et social.
Il se peut que la fraternité ait
devancé, historiquement, le livre, cependant, il n’a pas été démontré son échec
et sa contradiction « à la nature de la société » et quelle société
vise-t-il, ici dans le sillage de cette dynamique qui concrétise la résurgence
d’une logique de la collectivité, au lieu de la logique de l’esprit de corps ?)
Mais elle advint, en tant qu’une rupture nécessaire et tranchée, de la logique
de parenté de succession, qui prépare l’apparition de la nouvelle logique de parenté,
qui revient à embrasser cette parenté de succession, mais adaptée et vaincue,
dans le cadre des lois de l’héritage, par le rapprochement familial, de façon que
la femme est devenue présente, en tant qu’héritière non seulement, par autrui, mais personnellement , également, à
travers les ayants droits.
Et, il était naturel que ces
transformations touchent le registre de parenté, le plus influant et le plus
profond, dans la société primitive, le champ de parenté émotif qui se forme par
la lutte et les équilibres provisoires, et , de ce point de vue, il n’est pas possible que naisse la
nation(omma) « la nation qui réponde à la révélation » en tant que
cadre qui serait supérieur aux esprits de corps, sans quitter le principe de
cet esprit de corps, comme il plait à Jébri de le définir.
« le concept de nation(omma) »
dépasse « la tribu » et lui est supérieur, alors qu’il ne l’élimine
pas, car la formation de la nation ne pose pas comme condition préalable la
disparition « de la tribu » : ainsi, comme la « nation »
se forme de musulmans, en tant que personnes solidaires, rien n’empêche qu’ils
restent attachés à « la tribu » en tant que cadre social interne, ce
qui advint effectivement.
« La nation » de la
révélation mahométane dont « la charte du prophète « constituait l’acte
de sa naissance officiel, et en même temps son ordre interne, se formait dès le
début de groupes tribaux : les émigrés de Koreich(une tribu) et les partisans(ançars) qui sont les tribus que « la charte » insiste à citer nommément,
comme elle se préoccupa à citer les tribus juives, la deuxième partie du contrat…
Elle est éloquente cette référence de
Jabri : Koreich « une tribu » !qui n’était pas présente à
Médine en tant qu’esprit de corps, mais que Jabri n’affirme pas, à la lumière
de la lampe magique….
En réalité, cette présence de nouveau
de la tribu, n’est pas une présence en tant qu’esprit de corps, mais c’est une
présence nouvelle de la parenté successorale, dans la composition de la parenté
islamique. C’est une présence qui n’a eu de cesse de réagir à la logique
monothéiste, avec les formations primitives, d’une façon positive, qui ne
conduit pas à sa destruction, mais à trier ses éléments en transformant son édifice
et ses significations-(et c’est ce qui nous laisse pondérer, en ce qui concerne
les dynamiques de mutation, lors de la révélation, la deuxième explication,
citée précédemment, qui affirme l’attraction des édifices primaires, en rapport
avec ce que Ibn Khaldoun dénomme « la décadence », ou modèle linguistique
coranique révélé, et qui ne peut se muer en transformations historiques
spécifiques-c'est-à-dire que ce qui se détruit ici ce n’est pas la parenté
successorale, mais la logique de l’esprit de corps, qui l’utilise pour
enraciner la communauté, en la liant aux premiers pères, en glorifiant la
coutume des morts(les premiers pères) sur les vivants, éliminant l’accumulation
sociale temporelle, et non seulement les changements sociaux, être une mesure
de l’approfondissement et de la concentration de ce qui est constant de règles,
et non seulement de son changement.
Alors que l’affirmation que la présence
juive, en tant que partie de la nation, démontre sa nature politique dominante,
c'est-à-dire sur la forme idéologique « de la croyance » occulte,
encore une fois, la dynamique monothéiste globale. Et ce, comme l’inclusion des
juifs, et leur attraction à l’intérieur de la nation, démontre ce que comporte
le monothéisme, dans sa formulation islamique complète de capacité à traiter « l’autre »
et de le rencontrer à des niveaux différents, à condition que ça n’aboutisse
pas à atteindre la logique générale de (l’islam), et sans atteinte à la logique
de « l’autre » sauf pour ce qui est déstabilisateur. Nous savons la forme de la critique, qu’on
pourrait porter à cette théorie, tenant compte qu’elle prend, comme point de départ de base, la
considération de l’infériorité de l’autre, alors que cette considération reste
dubitative, car ce déséquilibre est ici exactement, ce qui fait de la
communauté une origine en soi, et une mesure de cette particularité, des
autres. C’est un déséquilibre qui peut toucher la communauté musulmane même,
car ce qui est important ici n’est pas la prévalence des communautés, mais son
appartenance à une racine qu’il n’est pas donné
à une communauté de l’assimiler, la contenir et à laquelle elle va se comparer.
De là nous comprenons pourquoi la
révélation de sourate « vous êtes sauf » (acquittés) baràa seulement
après que les tribus juives se sont transformées en moyen de déstabilisation, à
l’intérieur du champ du monothéisme nouveau.
Il est à signaler ici que cette
ouverture sur « l’autre » a été interprétée, généralement, par les
orientalistes, de mauvaise intention, car, au lieu de la comprendre en tant que
changement réel de la logique des frontières « de l’esprit de corps, qui
sépare entre l’intérieur et l’extérieur : « le moi » et « l’autre »(là
ou « autrui » devient l’autre), elle a été considérée en tant qu’action
politique « opportuniste » qui fait fi des valeurs, comme si un tel
comportement était possible dans n’importe quelle action institutionnelle, qui
se fonde sur les normes religieuses !.
En réalité, l’on ne peut comprendre ce
changement, qui frappe la perception du groupe, de ses limites, et son mode de
comportement, avec « l’autre », uniquement en le rapportant au
changement du concept d’origine, sur lequel se forme cette communauté. Pourquoi
l’origine devient-elle inclusive de la communauté, dans un cadre qui lui est
transcendant, comme il a été précédemment souligné ? Car la fixation de l’origine
dans un modèle linguistique miraculeux éloquent, qui ne se reproduit pas, dans
le temps, et que la communauté ne peut concevoir, ou s’y comparer, sauf si elle
s’aventure pour s’exposer à la consommation de l’énergie propre de parenté et
économique [c’est ce qui adviendra réellement à l’esprit de corps-dans un Etat
tyrannique historique comme on le verra ci-après] qui affrontera directement l’origine
successorale-clanique, qui se trouve derrière la tradition des premiers pères,
et qui trace à la communauté les frontières définitives, dans le champ de
parenté qui attirera à travers « son adaptation », à l’origine et le
rendra évident, pour les variétés naturelles(classées par l’ordre totémique ou
se reflète la parenté sur la toile des variétés naturelles et s’éloignera de la
classification de la signification linguistique qui démontre et éclaire).
Le butin et le cycle d’enrichissement
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